Formules de Taylor : Cours, Formules et Applications

Les formules de Taylor sont un outil fondamental de l’analyse mathématique. Introduites par Brook Taylor en 1715, elles permettent d’approximer une fonction par un polynôme construit à partir de ses dérivées en un point donné. Cette méthode joue un rôle central en analyse, notamment dans le calcul numérique et l’étude locale des fonctions.

Elles sont particulièrement utiles pour approcher des fonctions comme \( e^x \) ou \( \sin x \) par des expressions polynomiales simples, et constituent la base théorique des développements limités.

Contexte Historique et Motivation Mathématique

C’est en 1715 que Brook Taylor publie son célèbre théorème, bien que les prémices de cette découverte remontent à James Gregory en 1671. L’idée fondamentale est d’une simplicité remarquable : si l’on « zoome » suffisamment près d’un point d’une courbe régulière, celle-ci ressemble de plus en plus à un polynôme.

Pensez à une route sinueuse vue depuis un satellite. De très loin, elle peut sembler droite (approximation linéaire). En zoomant un peu, on distingue une courbure (approximation quadratique). Plus on se rapproche, plus on peut détecter des variations subtiles nécessitant des polynômes d’ordre supérieur. C’est exactement le principe des formules de Taylor.

Définition intuitive

Une fonction suffisamment régulière (c’est-à-dire dérivable plusieurs fois) au voisinage d’un point peut être approchée par un polynôme dont les coefficients sont calculés à partir des valeurs des dérivées successives en ce point.

Le Polynôme de Taylor : Construction et Propriétés

Avant d’aborder les différentes formules de Taylor, définissons rigoureusement le polynôme de Taylor, pierre angulaire de toute cette théorie.

Définition du polynôme de Taylor

Soit \( f : I \to \mathbb{R} \) une fonction de classe \( \mathcal{C}^n \) sur un intervalle \( I \), et soit \( a \in I \). Le polynôme de Taylor d’ordre \( n \) de \( f \) au point \( a \) est défini par :

\[
T_{n,a}(x) = \sum_{k=0}^{n} \frac{f^{(k)}(a)}{k!}(x-a)^k
\]

Ce qui se développe explicitement comme :

\[
T_{n,a}(x) = f(a) + f'(a)(x-a) + \frac{f^{\prime\prime}(a)}{2!}(x-a)^2 + \frac{f^{\prime\prime\prime}(a)}{3!}(x-a)^3 + \cdots + \frac{f^{(n)}(a)}{n!}(x-a)^n
\]

Cas particulier : Formule de MacLaurin

Lorsque le point de développement est \( a = 0 \), on parle de formule de MacLaurin (ou Taylor-MacLaurin), du nom du mathématicien écossais Colin MacLaurin. La formule se simplifie alors :

\[
T_n(x) = f(0) + f'(0)x + \frac{f^{\prime\prime}(0)}{2!}x^2 + \frac{f^{\prime\prime\prime}(0)}{3!}x^3 + \cdots + \frac{f^{(n)}(0)}{n!}x^n
\]

En pratique, on ramène souvent l’étude d’une fonction au voisinage de \( a \) à l’étude au voisinage de 0 par le changement de variable \( h = x – a \).

Formule de Taylor-Young : Approximation Locale

La formule de Taylor-Young est la version locale des formules de Taylor. Elle fournit une approximation valable uniquement au voisinage immédiat d’un point, mais avec des hypothèses minimales sur la fonction.

Théorème (Taylor-Young)

Soit \( f : I \to \mathbb{R} \) une fonction de classe \( \mathcal{C}^n \) sur un intervalle ouvert \( I \), et soit \( a \in I \). Alors il existe une fonction \( \varepsilon(x) \) tendant vers 0 quand \( x \) tend vers \( a \), telle que :

\[
f(x) = f(a) + f'(a)(x-a) + \frac{f^{\prime\prime}(a)}{2!}(x-a)^2 + \cdots + \frac{f^{(n)}(a)}{n!}(x-a)^n + (x-a)^n \varepsilon(x)
\]

Avec la notation de Landau, cela s’écrit de manière équivalente :

\[
f(x) = \sum_{k=0}^{n} \frac{f^{(k)}(a)}{k!}(x-a)^k + o\big((x-a)^n\big)
\]

Interprétation géométrique

Le terme \( (x-a)^n \varepsilon(x) = o((x-a)^n) \) est appelé le reste de la formule. Il représente l’erreur commise en approximant \( f(x) \) par le polynôme de Taylor. La notation \( o((x-a)^n) \) signifie que cette erreur devient négligeable devant \( (x-a)^n \) lorsque \( x \) se rapproche de \( a \).

Pour \( n = 1 \), on retrouve la définition de la dérivabilité. Pour \( n = 2 \), on obtient l’approximation parabolique. Chaque ordre supplémentaire affine la précision de l’approximation.

Développement limité - formules de taylor

Application fondamentale : Les développements limités

La formule de Taylor-Young est à la base de toute la théorie des développements limités. Un développement limité d’ordre \( n \) au point \( a \) est précisément l’expression fournie par Taylor-Young.

Développement limité

On dit que \( f \) admet un développement limité d’ordre \( n \) (noté DL\(_n\)) au point \( a \) s’il existe des constants \( c_0, c_1, \ldots, c_n \) et une fonction \( \varepsilon(x) \) tendant vers 0 en \( a \) tels que :

\[
f(x) = c_0 + c_1(x-a) + c_2(x-a)^2 + \cdots + c_n(x-a)^n + (x-a)^n\varepsilon(x)
\]

Si \( f \) est de classe \( \mathcal{C}^n \), alors ces coefficients sont donnés par \( c_k = \frac{f^{(k)}(a)}{k!} \).

Démonstration de la formule de Taylor-Young

La démonstration se fait par récurrence sur \( n \). Pour \( n = 1 \), il s’agit simplement de la définition de la dérivabilité. Supposons la formule vraie à l’ordre \( n-1 \) et appliquons-la à \( f’ \). Après intégration et manipulation, on obtient la formule à l’ordre \( n \).

Formule de Taylor-Lagrange : Approximation Globale

Contrairement à Taylor-Young qui donne une information locale, la formule de Taylor-Lagrange fournit une expression exacte du reste sur tout un intervalle. Elle généralise le théorème des accroissements finis.

Théorème (Taylor-Lagrange)

Soit \( f : [a,b] \to \mathbb{R} \) une fonction de classe \( \mathcal{C}^n \) sur \( [a,b] \) et \( n+1 \) fois dérivable sur \( ]a,b[ \). Alors il existe \( c \in ]a,b[ \) tel que :

\[
f(b) = f(a) + f'(a)(b-a) + \frac{f^{\prime\prime}(a)}{2!}(b-a)^2 + \cdots + \frac{f^{(n)}(a)}{n!}(b-a)^n + \frac{f^{(n+1)}(c)}{(n+1)!}(b-a)^{n+1}
\]

De manière plus compacte, avec \( h = b – a \) :

\[
f(a+h) = \sum_{k=0}^{n} \frac{f^{(k)}(a)}{k!}h^k + \frac{f^{(n+1)}(a+\theta h)}{(n+1)!}h^{n+1}
\]

où \( \theta \in ]0,1[ \).

Lien avec le théorème des accroissements finis

Pour \( n = 0 \), la formule de Taylor-Lagrange se réduit au théorème des accroissements finis (TAF) :

\[
f(b) = f(a) + f'(c)(b-a)
\]

avec \( c \in ]a,b[ \). Ainsi, Taylor-Lagrange généralise le TAF en incluant les dérivées d’ordre supérieur.

Inégalité de Taylor-Lagrange

On peut déduire de la formule une majoration de l’erreur d’approximation, appelée inégalité de Taylor-Lagrange :

Inégalité de Taylor-Lagrange

Sous les mêmes hypothèses, s’il existe \( M > 0 \) tel que \( |f^{(n+1)}(x)| \leq M \) pour tout \( x \in [a,b] \), alors :

\[
\left| f(b) – \sum_{k=0}^{n} \frac{f^{(k)}(a)}{k!}(b-a)^k \right| \leq \frac{M|b-a|^{n+1}}{(n+1)!}
\]

Cette inégalité est particulièrement utile car elle reste valable pour les fonctions à valeurs complexes ou vectorielles, contrairement à l’égalité de Taylor-Lagrange.

Démonstration de Taylor-Lagrange

La démonstration repose sur le théorème de Rolle. On construit une fonction auxiliaire \( g(x) \) définie par :

\[
g(x) = f(b) – \sum_{k=0}^{n} \frac{f^{(k)}(x)}{k!}(b-x)^k – K\frac{(b-x)^{n+1}}{(n+1)!}
\]

où la constante \( K \) est choisie de sorte que \( g(a) = 0 \). Comme \( g(b) = 0 \) également, et que \( g \) est dérivable, le théorème de Rolle garantit l’existence d’un point \( c \in ]a,b[ \) tel que \( g'(c) = 0 \). Un calcul minutieux permet alors d’identifier \( K = f^{(n+1)}(c) \).

Formule de Taylor avec Reste Intégral

La formule de Taylor avec reste intégral (ou formule de Taylor-Laplace) fournit l’expression la plus précise du reste. Elle généralise le théorème fondamental de l’analyse.

Théorème (Taylor avec reste intégral)

Soit \( f : [a,b] \to \mathbb{R} \) une fonction de classe \( \mathcal{C}^{n+1} \) sur \( [a,b] \). Alors :

\[
f(b) = f(a) + \sum_{k=1}^{n} \frac{f^{(k)}(a)}{k!}(b-a)^k + \int_a^b \frac{(b-t)^n}{n!}f^{(n+1)}(t)\,dt
\]

Le dernier terme est le reste intégral, noté \( R_{n+1}(b) \).

Lien avec le théorème fondamental de l’analyse

Pour \( n = 0 \), on retrouve le théorème fondamental du calcul intégral :

\[
f(b) = f(a) + \int_a^b f'(t)\,dt
\]

Démonstration par intégrations par parties

La démonstration s’effectue par récurrence en utilisant des intégrations par parties successives. Pour \( n = 1 \) :

\begin{align*}
\int_a^b (b-t)f^{\prime\prime}(t)\,dt &= \left[(b-t)f'(t)\right]_a^b + \int_a^b f'(t)\,dt \\
&= -(b-a)f'(a) + f(b) – f(a)
\end{align*}

D’où : \( f(b) = f(a) + (b-a)f'(a) + \int_a^b (b-t)f^{\prime\prime}(t)\,dt \).

On procède de même pour les ordres supérieurs.

Comparaison et Choix de la Formule Appropriée

Les trois formules de Taylor ont des natures et des applications différentes :

FormuleNatureHypothèsesApplications
Taylor-YoungLocale\( f \) de classe \( \mathcal{C}^n \) près de \( a \)Développements limités, étude locale, calcul de limites
Taylor-LagrangeGlobale\( f \) de classe \( \mathcal{C}^{n+1} \) sur \( [a,b] \)Majoration d’erreur, calculs approchés, recherche d’extrema
Reste intégralTrès précise\( f \) de classe \( \mathcal{C}^{n+1} \) sur \( [a,b] \)Étude de la régularité du reste, séries de Taylor

Règle de choix

  • Utilisez Taylor-Young pour des calculs de limites, des équivalents, ou des études locales de fonctions.
  • Utilisez Taylor-Lagrange pour obtenir des majorations d’erreur sur un intervalle, ou pour prouver l’existence d’extrema.
  • Utilisez le reste intégral pour démontrer la convergence de séries de Taylor, ou quand vous avez besoin d’une expression exacte du reste.

Développements Limités Usuels au Voisinage de Zéro

Voici les développements limités (formules de MacLaurin) des fonctions classiques, obtenus par application de la formule de Taylor-Young. Ces formules sont fondamentales et doivent être maîtrisées.

Fonctions exponentielles et logarithmiques

\[
e^x = 1 + x + \frac{x^2}{2!} + \frac{x^3}{3!} + \cdots + \frac{x^n}{n!} + o(x^n)
\]
\[
\ln(1+x) = x – \frac{x^2}{2} + \frac{x^3}{3} – \frac{x^4}{4} + \cdots + \frac{(-1)^{n-1}x^n}{n} + o(x^n) \quad (x > -1)
\]

Fonctions trigonométriques

\[
\sin x = x – \frac{x^3}{3!} + \frac{x^5}{5!} – \frac{x^7}{7!} + \cdots + \frac{(-1)^n x^{2n+1}}{(2n+1)!} + o(x^{2n+2})
\]
\[
\cos x = 1 – \frac{x^2}{2!} + \frac{x^4}{4!} – \frac{x^6}{6!} + \cdots + \frac{(-1)^n x^{2n}}{(2n)!} + o(x^{2n+1})
\]
\[
\tan x = x + \frac{x^3}{3} + \frac{2x^5}{15} + \frac{17x^7}{315} + o(x^8)
\]

Fonctions hyperboliques

\[
\sinh x = x + \frac{x^3}{3!} + \frac{x^5}{5!} + \frac{x^7}{7!} + \cdots + \frac{x^{2n+1}}{(2n+1)!} + o(x^{2n+2})
\]
\[
\cosh x = 1 + \frac{x^2}{2!} + \frac{x^4}{4!} + \frac{x^6}{6!} + \cdots + \frac{x^{2n}}{(2n)!} + o(x^{2n+1})
\]

Fonctions puissance

\[
(1+x)^\alpha = 1 + \alpha x + \frac{\alpha(\alpha-1)}{2!}x^2 + \frac{\alpha(\alpha-1)(\alpha-2)}{3!}x^3 + \cdots + o(x^n)
\]

Cas particuliers importants :

\[
\frac{1}{1+x} = 1 – x + x^2 – x^3 + \cdots + (-1)^n x^n + o(x^n) \quad (|x| < 1) \]
\[
\sqrt{1+x} = 1 + \frac{x}{2} – \frac{x^2}{8} + \frac{x^3}{16} – \frac{5x^4}{128} + o(x^4)
\]

Opérations sur les Développements Limités

Les développements limités se comportent bien vis-à-vis des opérations algébriques usuelles. Ces règles permettent de calculer efficacement le DL de fonctions composées sans recalculer toutes les dérivées.

Somme et différence

Si \( f(x) = P(x) + o(x^n) \) et \( g(x) = Q(x) + o(x^n) \), alors :

\[
f(x) \pm g(x) = P(x) \pm Q(x) + o(x^n)
\]

Produit

Le DL du produit s’obtient en ne conservant que les termes de degré \( \leq n \) :

\[
f(x) \cdot g(x) = [P(x) \cdot Q(x)]_{\text{tronqué à l’ordre } n} + o(x^n)
\]

Quotient

Si \( g(0) \neq 0 \), on peut effectuer une division selon les puissances croissantes :

\[
\frac{f(x)}{g(x)} = \left[\frac{P(x)}{Q(x)}\right]_{\text{tronqué à l’ordre } n} + o(x^n)
\]

Composition

Si \( f(x) = P(x) + o(x^n) \) et \( g(x) = Q(x) + o(x^n) \) avec \( Q(0) = 0 \), alors :

\[
f(g(x)) = [P(Q(x))]_{\text{tronqué à l’ordre } n} + o(x^n)
\]

Intégration

L’intégration d’un DL se fait terme à terme :

\[
\text{Si } f(x) = a_0 + a_1 x + \cdots + a_n x^n + o(x^n), \text{ et } F \text{ primitive de } f,
\]
\[
\text{alors } F(x) = F(0) + a_0 x + \frac{a_1}{2}x^2 + \cdots + \frac{a_n}{n+1}x^{n+1} + o(x^{n+1})
\]

Dérivation

La dérivation abaisse l’ordre du DL :

\[
\text{Si } f(x) = a_0 + a_1 x + a_2 x^2 + \cdots + a_n x^n + o(x^n),
\]
\[
\text{alors } f'(x) = a_1 + 2a_2 x + 3a_3 x^2 + \cdots + na_n x^{n-1} + o(x^{n-1})
\]

Applications Pratiques des Formules de Taylor

Calcul de limites

Les développements limités permettent de lever des formes indéterminées. Considérons la limite :

\[
\lim_{x \to 0} \frac{e^x – 1 – x}{x^2}
\]

Résolution : En utilisant le DL de \( e^x \) :

\begin{align*}
e^x &= 1 + x + \frac{x^2}{2} + \frac{x^3}{6} + o(x^3) \\
e^x – 1 – x &= \frac{x^2}{2} + \frac{x^3}{6} + o(x^3) \\
\frac{e^x – 1 – x}{x^2} &= \frac{1}{2} + \frac{x}{6} + o(x) \xrightarrow[x \to 0]{} \frac{1}{2}
\end{align*}

Calculs approchés et estimations d’erreur

Calculons une approximation de \( \sqrt{1.1} \) avec une estimation de l’erreur.

Solution : On utilise le DL de \( \sqrt{1+x} \) avec \( x = 0.1 \) :

\[
\sqrt{1.1} \approx 1 + \frac{0.1}{2} – \frac{(0.1)^2}{8} = 1 + 0.05 – 0.00125 = 1.04875
\]

Pour l’erreur, utilisons Taylor-Lagrange à l’ordre 2. On a \( f(x) = \sqrt{1+x} \), donc :

\[
f^{\prime\prime\prime}(x) = -\frac{3}{8}(1+x)^{-5/2}
\]

Sur \( [0, 0.1] \), \( |f^{\prime\prime\prime}(x)| \leq \frac{3}{8} \). L’erreur est majorée par :

\[
\text{Erreur} \leq \frac{3/8}{3!} \times (0.1)^3 = \frac{3}{48} \times 0.001 \approx 0.0000625
\]

Valeur exacte : \( \sqrt{1.1} \approx 1.048809 \). Notre approximation donne \( 1.04875 \), l’erreur réelle est de l’ordre de \( 0.00006 \), conforme à notre majoration.

Recherche d’extrema locaux

La formule de Taylor-Lagrange fournit des conditions pour identifier les extrema. Si \( f'(a) = 0 \) et \( f^{\prime\prime}(a) > 0 \), alors en utilisant Taylor à l’ordre 2 :

\[
f(a+h) = f(a) + \frac{f^{\prime\prime}(a)}{2}h^2 + o(h^2)
\]

Pour \( |h| \) assez petit, \( f(a+h) > f(a) \), donc \( a \) est un minimum local.

Approximation de fonctions en physique

En physique, le pendule simple de petite amplitude utilise l’approximation \( \sin \theta \approx \theta \) (DL à l’ordre 1). Pour plus de précision, on peut utiliser :

\[
\sin \theta \approx \theta – \frac{\theta^3}{6}
\]

Cela permet d’affiner les équations du mouvement et d’obtenir des corrections au modèle linéaire.

Exercices corrigés Étape par Étape

Exercice 1 : Développement limité d’une fonction composée

Énoncé : Calculer le DL\(_3\)(0) de \( f(x) = e^{\sin x} \).

Solution :

Étape 1 : Calculons d’abord le DL\(_3\)(0) de \( \sin x \) :

\[
\sin x = x – \frac{x^3}{6} + o(x^3)
\]

Étape 2 : Utilisons la formule de composition. Le DL de \( e^u \) est :

\[
e^u = 1 + u + \frac{u^2}{2} + \frac{u^3}{6} + o(u^3)
\]

Étape 3 : Posons \( u = \sin x = x – \frac{x^3}{6} + o(x^3) \), puis calculons les puissances de \( u \) en ne gardant que les termes d’ordre \( \leq 3 \) :

\begin{align*}
u &= x – \frac{x^3}{6} + o(x^3) \\
u^2 &= x^2 + o(x^3) \\
u^3 &= x^3 + o(x^3)
\end{align*}

Étape 4 : Substituons dans le DL de \( e^u \) :

\begin{align*}
e^{\sin x} &= 1 + \left(x – \frac{x^3}{6}\right) + \frac{x^2}{2} + \frac{x^3}{6} + o(x^3) \\
&= 1 + x + \frac{x^2}{2} + \left(-\frac{1}{6} + \frac{1}{6}\right)x^3 + o(x^3) \\
&= 1 + x + \frac{x^2}{2} + o(x^3)
\end{align*}

Réponse finale : \( e^{\sin x} = 1 + x + \frac{x^2}{2} + o(x^3) \)

Exercice 2 : Application de Taylor-Lagrange

Énoncé : Montrer que pour \( x \in [0, 1] \), on a \( e^x \leq 1 + x + \frac{x^2}{2}e \).

Solution :

Étape 1 : Appliquons la formule de Taylor-Lagrange à \( f(x) = e^x \) à l’ordre 2 entre 0 et \( x \) :

\[
e^x = e^0 + e^0 \cdot x + \frac{e^c}{2!}x^2 = 1 + x + \frac{e^c}{2}x^2
\]

où \( c \in ]0, x[ \).

Étape 2 : Puisque \( e^t \) est croissante et \( c < x \leq 1 \), on a \( e^c \leq e^x \leq e^1 = e \).

Étape 3 : Donc :

\[
e^x = 1 + x + \frac{e^c}{2}x^2 \leq 1 + x + \frac{e}{2}x^2
\]

CQFD

Exercice 3 : Étude locale d’une courbe

Énoncé : Étudier la position de la courbe \( y = \ln(1+x) \) par rapport à sa tangente en 0.

Solution :

Étape 1 : L’équation de la tangente en 0 est \( y = f(0) + f'(0)x = x \).

Étape 2 : Calculons le DL\(_2\)(0) de \( \ln(1+x) \) :

\[
\ln(1+x) = x – \frac{x^2}{2} + o(x^2)
\]

Étape 3 : La différence entre la fonction et sa tangente est :

\[
\ln(1+x) – x = -\frac{x^2}{2} + o(x^2)
\]

Étape 4 : Pour \( x \) proche de 0, le terme dominant est \( -\frac{x^2}{2} < 0 \).

Conclusion : La courbe est en dessous de sa tangente au voisinage de 0 (concavité vers le bas).

Généralisation : Séries de Taylor et Fonctions Analytiques

Que se passe-t-il lorsque l’ordre \( n \) du développement tend vers l’infini ?

Définition de la série de Taylor

Si le reste \( R_n(x) \) tend vers 0 lorsque \( n \to +\infty \), alors la fonction \( f \) peut être représentée par sa série de Taylor :

\[
f(x) = \sum_{k=0}^{+\infty} \frac{f^{(k)}(a)}{k!}(x-a)^k
\]

Fonctions analytiques

Fonction analytique

Une fonction \( f \) est dite analytique en \( a \) s’il existe un voisinage de \( a \) sur lequel \( f \) coïncide avec sa série de Taylor. Autrement dit, le reste de Taylor tend vers 0 uniformément sur ce voisinage.

Exemples de fonctions analytiques sur \( \mathbb{R} \) :

  • \( e^x \), \( \sin x \), \( \cos x \)
  • Tous les polynômes
  • \( \sinh x \), \( \cosh x \)

Contre-exemple célèbre

La fonction suivante est infiniment dérivable en 0, mais n’est pas analytique :

\[
f(x) = \begin{cases}
e^{-1/x^2} & \text{si } x \neq 0 \\
0 & \text{si } x = 0
\end{cases}
\]

On peut montrer que \( f^{(n)}(0) = 0 \) pour tout \( n \). Donc la série de Taylor en 0 est identiquement nulle, alors que \( f(x) \neq 0 \) pour \( x \neq 0 \). La série de Taylor ne converge pas vers la fonction.

Rayon de convergence

Pour les fonctions analytiques, il existe un rayon \( R > 0 \) tel que la série de Taylor converge pour \( |x-a| < R \) et diverge pour \( |x-a| > R \). Ce rayon s’appelle le rayon de convergence.

Exemple : \( \ln(1+x) \) a un rayon de convergence \( R = 1 \) autour de 0.

Conclusion

Les formules de Taylor constituent un outil mathématique fondamental qui permet d’approximer des fonctions complexes par des polynômes. Maîtriser ces formules, c’est acquérir une compréhension profonde du comportement local des fonctions et disposer d’un outil puissant pour l’analyse mathématique, la physique et l’ingénierie.

Résumé des Points Essentiels

  • Polynôme de Taylor : Approximation d’une fonction par un polynôme dont les coefficients sont \( \frac{f^{(k)}(a)}{k!} \)
  • Formule de Taylor-Young : Approximation locale avec reste \( o((x-a)^n) \), base des développements limités
  • Formule de Taylor-Lagrange : Approximation globale avec reste explicite \( \frac{f^{(n+1)}(c)}{(n+1)!}(x-a)^{n+1} \), permet de majorer l’erreur
  • Reste intégral : Expression exacte sous forme \( \int_a^x \frac{(x-t)^n}{n!}f^{(n+1)}(t)\,dt \)
  • Formule de MacLaurin : Cas particulier en \( a = 0 \), simplification des calculs
  • Développements limités usuels : \( e^x \), \( \ln(1+x) \), \( \sin x \), \( \cos x \), \( (1+x)^\alpha \) à connaître par cœur
  • Applications pratiques : Calcul de limites, calculs approchés, recherche d’extrema, approximations en physique
  • Opérations sur les DL : Somme, produit, quotient, composition et intégration terme à terme

La pratique régulière d’exercices variés reste la meilleure méthode pour acquérir l’aisance nécessaire dans le maniement de ces formules.

Questions Fréquentes (FAQ)

Quelle est la différence entre Taylor-Young et Taylor-Lagrange ?

La formule de Taylor-Young est une formule locale qui donne une approximation valable seulement au voisinage immédiat d’un point. Le reste est exprimé comme \( o((x-a)^n) \), c’est-à-dire négligeable devant \( (x-a)^n \). Elle nécessite que la fonction soit de classe \( \mathcal{C}^n \) près du point.

La formule de Taylor-Lagrange est globale : elle fournit une égalité exacte sur tout un intervalle \([a,b]\). Le reste s’exprime comme \( \frac{f^{(n+1)}(c)}{(n+1)!}(b-a)^{n+1} \) où \( c \) est un point inconnu de l’intervalle. Elle nécessite que la fonction soit de classe \( \mathcal{C}^{n+1} \) sur l’intervalle.

Comment calculer rapidement un développement limité sans dériver plusieurs fois ?

Plutôt que de calculer toutes les dérivées, utilisez les DL usuels (exponentielle, logarithme, sinus, cosinus, etc.) et les opérations algébriques sur les DL :

  • Pour une somme : additionnez les DL terme à terme
  • Pour un produit : multipliez les polynômes et tronquez aux termes d’ordre \( \leq n \)
  • Pour une composition \( f(g(x)) \) : remplacez \( x \) par le DL de \( g(x) \) dans le DL de \( f \)
  • Pour un quotient : effectuez une division selon les puissances croissantes

Cette méthode est beaucoup plus rapide et évite les calculs fastidieux de dérivées successives.

Comment utiliser les formules de Taylor pour calculer des limites ?

Pour lever une forme indéterminée avec un développement limité :

  1. Identifiez l’ordre minimal nécessaire (souvent, l’ordre où le premier terme non nul apparaît)
  2. Écrivez le DL de chaque fonction impliquée jusqu’à cet ordre
  3. Effectuez les opérations algébriques (somme, produit, quotient) en conservant les termes pertinents
  4. Simplifiez et identifiez le comportement dominant

Exemple : pour \( \lim_{x \to 0} \frac{\sin x – x}{x^3} \), on utilise \( \sin x = x – \frac{x^3}{6} + o(x^3) \), d’où \( \frac{\sin x – x}{x^3} = -\frac{1}{6} + o(1) \to -\frac{1}{6} \).

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